« Madame la Juge,
Je viens d’être averti par l’un de mes conseils de ma convocation dans votre bureau jeudi. Malheureusement, je ne pourrai pas être là, vous m’en excuserez.
Par ailleurs, j’ai récemment pris connaissance de l’état d’avancement du dossier d’instruction nous concernant vous et moi. D’après ce que j’ai pu en voir et donc en déduire, l’entrevue à laquelle vous me conviez me paraît superflue ou précipitée. Comme vous avez pu le remarquer en prenant connaissance du dossier, ma version des faits n’a pas changé depuis maintenant cinq années. Vous n’êtes pas sans savoir non plus que mes camarades, mes avocats et moi-même avons porté des accusations extrêmement graves tant sur la police que sur la manière dont a été menée l’instruction jusqu’à présent. Quoique nous ne nous fassions pas trop d’illusions sur le fonctionnement de la justice antiterroriste, nous espérions, en nous débarrassant de M. Fragnoli, bénéficier d’une instruction à charge et à décharge. Sans présumer de la qualité de votre travail dont je n’ai pour l’instant pas pu voir grand’chose, la « décharge » semble se faire attendre.
Ne considérez surtout pas cette lettre comme un chantage mais plutôt comme une déclaration de grève. Une sorte de grève judiciaire. Disons que la condition minimale à ce que nous nous voyions pourrait être d’avoir quelque chose de nouveau à discuter. Qui accepterait d’être simple figurant dans la mise en scène de sa propre exécution ?
Je serai donc ravi de vous rencontrer, ainsi que mes camarades, lorsque les actes d’enquête à décharge les plus incontournables auront été accomplis. Je me permets, dans la présente, d’être un petit peu plus précis. Il y a maintenant un an et demi, notre ancien conseil, Me Jérémie Assous, est venu vous rendre visite afin de vous signaler la découverte dans le dossier d’instruction, d’un retrait bancaire d’Yildune Lévy, coté pour le moins tardivement. Ce relevé bancaire pose une difficulté majeure quant au PV D104, socle de votre instruction. En effet, les constatations de la police sont matériellement incompatibles avec cette preuve matérielle. Au moment où les policiers prétendent l’épier en rase campagne, Yildune retire de l’argent à Pigalle.
Comme vous le savez aussi, cela fait quatre ans que nous nous évertuons à démontrer que ce PV est un faux. Et sincèrement, nous n’imaginons pas une seconde que vous n’en soyez pas vous-même convaincue. Quelle autre explication donner à la bonne cinquantaine de contradictions grossières qui émaillent les quatre versions successives et différentes des faits émises par les policiers ? Il nous a d’ailleurs récemment amusé d’apprendre que ces mêmes policiers concédaient ce faux en « off » aux journalistes. Vous aurez d’ailleurs appris que cet été, dans le cadre de la plainte que nous avons déposée pour « faux en écriture publique », les officiers de la SDAT et de la DCRI ont décidé d’adopter une nouvelle stratégie. Acculés dans le coin de leurs troisième et quatrième versions contradictoires, empêtrés dans leurs couches successives de petits mensonges et de gros arrangements avec la vérité, ils ont tout simplement, et peut-être assez raisonnablement, décidé de garder le silence en invoquant le sacro-saint et si opportun « secret défense ». S’il fallait donner plus de gages à nos affirmations de faux, ils n’auraient pas pu mieux s’y prendre. Non, raisonnablement, si vous avez lu le dossier, vous savez qu’ils se moquent du monde. Et s’ils ne vous l’ont pas concédé entre deux portes, c’est que de vous aussi, ils se moquent.
J’en reviens à la visite de Me Assous lorsqu’il est venu vous apprendre cette bonne nouvelle, Selon ses dires, mais peut-être a-t-il un peu exagéré, vous lui auriez répondu « Ah, ce retrait bancaire ! Oui, j’étais au courant, mais tout le monde s’en fiche ». Que vous ayez effectivement tenu ces propos ou non, cela n’a pas grande importance, mais soyez certaine que nous, nous ne nous en fichons pas du tout. Mettez-vous à notre place : il y a bien eu des analyses de traces de pneus qui démontraient qu’elles ne pouvaient être celles de notre véhicule, des tonnes de relevés d’ADN qui nous ont tous disculpés, des perquisitions à foison dans lesquelles aucune arme du crime supposé n’a été retrouvée, des interrogatoires fleuves lors desquels chacun a vivement contesté les manipulations policières, mais nous n’avions jusqu’à maintenant aucune preuve matérielle venant purement et brutalement nous disculper.
Cela nous semble donc très important. Personne n’ayant jugé bon d’interroger la police sur ce point, c’est dans la presse que nous avons pu découvrir leur « version » aussi embarrassée que désespérante. Celle-ci se résume en deux arguments : 1. Pourquoi ni Coupat ni Lévy n’ont-ils évoqué ce retrait d’argent liquide ? 2. Elle a très bien pu prêter sa CB à un copain.
Afin d’éviter d’inutiles et longs aller-retour entre nos déclarations et les leurs, mais aussi pour qu’ils évitent de se briser la nuque en ratant une fois de plus leur pirouette, mettons un peu d’ordre et de bon sens dans tout cela. Si nous avons préféré ne pas répondre aux questions tordues et malhonnêtes des policiers, il aurait été étrange de répondre à celles qu’ils ne nous posaient pas. Mais aussi et surtout, n’ayant pas accès aux PV et donc aux heures alléguées par la SDAT, nous n’avions aucune raison d’imaginer qu’un acte aussi anodin qu’un retrait de 40 euros puisse nous disculper. Non, nous ne pouvions pas supposer que le faux des policiers s’accompagnerait aussi d’horaires fantaisistes. Il est d’ailleurs remarquable que lors de nos GAV, il n’ait jamais été question d’horaires. Les policiers nous interrogent sans fin sur nos idées politiques et tentent de nous faire dire que nous avons posé des crochets, mais ils ne nous demandent jamais ce que nous avons fait après. Donc oui, nous aurions pu penser à ce retrait, mais non, nous n’étions pas en mesure d’imaginer qu’il ait une plus grande importance que l’heure à laquelle nous sommes allés aux toilettes avant de se coucher. En somme, nous ne pouvions contester un mensonge policier dont nous n’avions pas encore connaissance.
Un esprit taquin pourrait soulever qu’un an et demi plus tard, lorsque nous avons démonté le PV 104, nous aurions pu faire valoir ce nouvel élément. C’est vrai et croyez-nous, nous le regrettons. Malheureusement, nous avons dû nous attacher, et cela contre le magistrat instructeur, à démontrer que ce que la police avait écrit était faux et impossible physiquement. Nous n’avons pas eu la présence d’esprit d’aller débusquer les mensonges jusque dans ce qu’ils n’avaient pas écrit.
Mais tout cela est certainement secondaire. Pour comprendre cet argument policier, il faut saisir la vérité qu’il dissimule et retourne, La véritable question, celle à laquelle, pour l’instant, personne n’a donné ni même cherché de réponse c’est : pourquoi les policiers et les magistrats n’ont-ils pas évoqué cet élément embarrassant ? Pour être plus précis, comment se fait-il qu’alors que les détails des opérations bancaires de tous les mis en examens ainsi que ceux de leurs proches ont été demandés, reçus et analysés dès le 14 novembre 2008, ceux d’Yildune Lévy ne soient jamais apparus ? Et cela malgré le fait qu’elle soit une des principales mises en cause.
Ce n’est que le 16 novembre 2010 que BM, de la SDAT, « poursuivant l’exécution de la commission rogatoire du 21 novembre 2008 et du 16 novembre 2009 », va refaire des réquisitions judiciaires concernant les comptes d’Yildune Lévy. La réponse reviendra le jour même. Cette fois-ci, c’est l’intégralité de ses différents comptes attribués au cours de sa vie qui va apparaître.
Penchons-nous sur la date de cette nouvelle réquisition : le 16 novembre 2010, soit deux ans et huit jours après le retrait bancaire. Suggérons une question inédite l’édition 2014 du Trivial Poursuit: combien de temps les bandes vidéos d’un distributeur automatique sont-elles conservées? Un indice: la réponse est dans l’énigme.
Il faudra encore attendre 8 mois, le 7 juillet 2011, pour que le même M. procède à « l’exploitation des opérations intervenues sur les comptes bancaires de J. Coupat et Y. Lévy antérieurement au 7 novembre 2008 »: il se sert alors de mes relevés rentrés au dossier en décembre 2008 et de ceux d’Yildune reçus en 2010. Dans cette analyse, M. étudie le « comportement bancaire » d’Yildune. Exercice sourcilleux lors duquel il interprétera comme étranges des variations allant jusqu’à 200 euros de différence d’un mois sur l’autre. Malgré cette présentation suspicieuse, il ne parvient pas à émettre d’hypothèses criminelles sur ces curieux mouvements bancaires. Et il conclut ainsi : « Précisons enfin qu’aucune opération n’est relevée le 7 novembre 2008 sur les différents comptes bancaires de Yildune Lévy ».
Par ailleurs, cette analyse de M. confirme qu’Yildune est bien l’utilisatrice de sa carte bancaire et annexe à ce PV son relevé de compte. Comment M. a-t-il pu rater ce retrait à Pigalle du 8 novembre à 2h44, lui l’auteur du D104 ? Tant d’énigmes pour si peu de suspens.
Ce n’est qu’après trois ans et demi d’un si long voyage parsemé d’embûches que ce providentiel extrait de compte sera versé au dossier et mis à disposition de la défense. Nous sommes alors en juin 2012. Ce n’est qu’au bout de quelques mois que, méticuleux comme nous sommes, nous découvrirons cette opération si habilement mise en exergue par les policiers chargés de l’étudier.
Tout humour mis de côté, nous avons le désagréable sentiment que les policiers ont tout fait pour dissimuler la seule preuve matérielle du dossier. Curieux moment où aux mensonges, vient s’ajouter la manipulation.
Coupons court, maintenant, au second argument policier: Yildune Lévy aurait pu prêter sa CB à un ami. Si cet extrait de compte avait révélé un retrait d’argent liquide à proximité des voies ou à côté d’on ne sait quel magasin de bricolage, cela aurait été présenté comme « la preuve » de notre culpabilité, Qu’aurait-on pensé si elle avait invoqué le prêt de sa carte à un ami ? Ironie d’une enquête purement à charge et prête à tordre le cou à la réalité comme au bon sens pour couvrir ses propres mensonges par la plus lamentable des mauvaises fois.
Après avoir dû démontrer que toutes les allégations de la police étaient fausses, ce serait donc à nous de démontrer que la seule preuve matérielle de tout le dossier est authentique ! En somme, il nous faudrait tout faire.
Qu’à cela ne tienne, voici quelques éléments qui vous permettront de confondre les policiers lorsque vous les interrogerez sur la question :
Effectivement, la carte bleue d’Yildune n’est pas présente dans ses scellés de perquisition ou de fouille à corps lors de son arrestation, dans son lit, chez ses parents, où elle a vécu depuis sa naissance. Et cela, on ne le doit pas au fait qu’elle ait été encore en nuisette à 6 heures du matin ou qu’elle ne dorme pas avec le moyen de paiement préféré des Français. L’absence de cette carte bleue, on la doit à ces hommes et ces femmes qui chaque jour accomplissent un travail remarquable en éloignant de nous la toujours imminente menace terroriste. Vous les avez reconnus : la SDAT.
Le contenu de la fouille à corps d’Yildune mérite en effet quelques explicitations, On trouve dans cette dernière : « Deux paquets de cigarettes de la marque Philip Morris, dont un entier et le deuxième contenant 11 cigarettes, un briquet supportant la photographie d’un chat, cinq tampax, un passeport français au nom de Yildune Lévy, numéro (…), la somme de deux cent vingt euros (220 euros) qui se compose comme suit: un billet de 100 euros, un billet de 50 euros, cinq billets de, 10 euros et un billet de 20 euros, trois paires de chaussettes, de couleur marron, bordeaux et noire, deux sous-pulls à manche longue de couleur marron et bleue, deux culottes de couleur noire dont une avec des motifs DP ».
Cette liste insolite représente bien la seule fouille à corps de l’ensemble des interpellations où figurent des habits de rechange et des tampax, mais aucun document personnel autre qu’un passeport. Pour comprendre, il faut donc revenir sur ce qui s’est passé ce matin-là :
Yildune se fait interpeller à 6 heures en train de dormir à son domicile, elle est en état de choc. A tel point que les agents de la SDAT font immédiatement venir SOS-Médecin. Lors de cette perquisition, les agents vont notamment placer sous scellé tout un ensemble de choses. Parallèlement, deux sacs en plastique sont constitués : le premier comprenant des habits chauds et de rechange eu égard à la situation psychologique et physique d’Yildune (elle est frigorifiée, tremble et commence à avoir ses règles) et dans lequel sa mère mettra également son passeport ainsi que la somme d’argent mentionnée et les deux paquets de cigarettes. (Cela fait suite à une demande de ses parents de lui donner de l’argent et des cigarettes. Un agent de la SDAT ira jusqu’à leur répondre, sans rire, que « oui, ça pourra peut-être lui être utile pour son retour en taxi quand elle sortira de garde à vue ».) Le second sac plastique contient, lui, tout un ensemble de petites choses ; son agenda papier, son carnet d’adresses, un carnet de notes, quelques clefs USB supplémentaires ainsi que son portefeuille dans lequel se trouve l’ensemble de ses cartes, qu’il s’agisse de cartes de transports (Pass Navigo dont il est avéré qu’Yildune en possède un, puisque les agents de la SDAT procéderont également à des recherches à ce propos), de diverses cartes de visite, de monnaie, de timbres, d’une carte téléphonique et bien évidemment de la désormais fameuse carte bleue!
Qu’est-il advenu de ce deuxième sac en plastique ? Yildune l’a-t-elle avalé en descendant les escaliers qui la menaient aux véhicules de police ? Non, les agents de la SDAT l’ont tout bonnement oublié dans sa chambre ! Elle, portait son sac d’habits à la main, comme en attestent les images de son arrestation diffusées sur les principales chaînes de télévision. Ce n’est qu’une fois arrivés à Levallois-Perret dans leurs locaux, lors de la fouille à corps, que les policiers s’apercevront de cette légère bévue.
Décidément, ce n’est pas tous les jours Noël pour les agents de la SDAT. Remarquez, quelques années plus tard, M. Fragnoli oubliera bien chez Charles T. sa belle pochette en cuir avec tous les numéros de téléphone des policiers et ses PV de GAV vierges pré-tamponnés. Quoi qu’il en soit, personne n’a jugé bon de faire demi-tour pour retourner chercher ce sac de scellés. Si l’on peut considérer que ce fut une petite omission comme une autre, il faut être inaccessible à la honte comme à l’intelligence pour sous-entendre qu’Yildune aurait pu prêter sa CB sur la base de l’absence de celle-ci dans sa fouille.
Aussi, nous aimerions qu’un certain nombre d’autres points soient élucidés avant que nous nous rencontrions. Nous attendons l’appel de notre demande d’acte concernant Mark Kennedy. Votre refus de mettre au clair cette histoire nous est apparu incompréhensible tant il en va de l’équité et donc de la légalité de la procédure. Il est par ailleurs étonnant de constater que la presse s’intéresse plus à cet espion anglais notoirement mythomane que les magistrats en charge de l’enquête dont ce même espion est à l’origine. Faut-il rappeler que vous avez vous-même utilisé certaines des informations fantaisistes émanant de Mark Kennedy dans votre refus de requalification de mon statut de mis en examen à celui de témoin assisté ? Comment peut-on arguer que ces déclarations ont été confirmées par l’enquête et qu’aucune dissimulation n’a eu lieu lorsque son nom n’apparaît qu’à l’initiative de la défense et que toutes les petites manipulations pour dissimuler cette source devenue embarrassante ont été logiquement démontrées ?
Qu’il soit compliqué de faire faire amende honorable à la police antiterroriste, nous n’en doutons pas. Malheureusement, c’est dans ce dossier la condition de possibilité d’une enquête à charge et à décharge, c’est-à-dire d’une enquête répondant aux exigences légales. Si la possibilité pour nous de contester les faits qui nous sont imputés nous est systématiquement refusée, pourquoi s’embarrasser d’un quelconque code de procédure pénale ? Mais surtout pourquoi nous embarrasser d’une instruction à laquelle « nous » devons travailler ? Si tout cela n’est que cosmétique, n’hésitez pas à nous le signaler, nous serons très heureux de faire un tout autre usage de notre temps.
Par ailleurs, dans une demande d’acte que nous avons réalisée l’année dernière, nous vous demandions à pouvoir être confrontés au témoin sous X. Vous savez, le seul témoin à charge de toute l’instruction. Il semblerait que cela fasse partie de nos droits. Un an plus tard, nous n’avons toujours pas reçu de réponse de votre part. Y a-t-il eu un problème avec le facteur ? Parce que comme tout le monde le sait, vous y compris, il semblerait que le témoignage de ce monsieur soit légèrement soumis à caution depuis qu’il a été mis en examen dans une autre affaire pour dénonciation de délits imaginaires. Une sombre histoire de chèvres qu’il aurait massacrées et de fille qu’il aurait menacée de viol (sa fille à lui, en l’occurrence). Si elle est volontaire, comment interpréter cette absence de réponse de votre part ?
Peut-être vous dites-vous qu’en effet, M. B. doit être un peu dérangé et que son témoignage n’a plus d’intérêt pour l’enquête. Il serait fort heureux qu’à rebours des magouilles de votre prédécesseur, vous rejoigniez notre avis sur ce point. Et si c’était le cas, n’hésitez pas à faire valoir ce sentiment dans la procédure, en répondant à nos demandes d’actes par exemple mais aussi en en tirant les conséquences procédurales. Je vous rappelle que ce témoignage est le seul élément tangible venant justifier ma mise en examen en tant que chef d’une entreprise terroriste. Il y a bien deux déclarations d’Aria T. et Bertrand D. (sur lesquelles ils sont amplement revenus) qui disent que lors de discussions collectives, les gens m’écoutent ; mais soyons raisonnables, tout le monde sait bien que ce chef d’inculpation ne peut reposer sur ces deux affirmations dont nous avons déjà démontré la provenance purement policière. Non, toute cette fantasmagorie autour de mon pseudo-rôle de chef, bien au contraire, toute l’enquête en a démontré l’absurdité. A l’exception du témoignage de M. B. bien sûr. J’en arrive donc à cette conclusion que, si vous ne prenez plus au sérieux les déclarations de B., ce chef de mise en examen doit disparaître de lui-même. Ainsi, bien évidemment, que toutes les références aux dires et analyses de M. B. Donc si vous nous refusez cette confrontation car vous ne jugez plus crédible ce témoignage, merci de nous le dire au plus vite afin que nous puissions vous faciliter la tâche en vous envoyant la liste et les références des quelques centaines de cotes dans lesquelles ses déclarations sont citées ou reprises à titre d’argument.
Enfin, je vous rappelle que l’instruction diligentée au Tribunal de Grande Instance de Nanterre pour faux en écriture publique et consacrée au PV D104 est toujours en cours, malgré tous les efforts diligentés de part et d’autre pour qu’elle s’achève par un non-lieu en faveur des policiers de la SDAT. Il m’apparaît donc logique d’attendre l’issue de cette information qui, espérons-le, tirera tout le monde de l’embarras en établissant ce que chacun sait être vrai, à savoir que ce PV est un faux. Et quelle qu’en soit l’issue, vous serez rassurée de constater que les policiers mis en cause ne mentent ni moins ni mieux à Nanterre qu’à Paris.
A partir de ces nouvelles pièces, nous pourrons alors convenir ensemble des conditions d’une reconstitution de l’ensemble du D104. Il s’agira, PV en main, de constater l’invraisemblance de presque chacune de ses lignes. Et pour cela, rien ne remplace un déplacement sur les lieux, Il n’y aura pas besoin, cette fois, de faire bloquer tout le périmètre par des dizaines de gendarmes, ni même d’appeler un hélicoptère et des brigades cynophiles à la rescousse. Un avocat, une greffière et un garde du corps feront amplement l’affaire et rentreront tous dans un seul véhicule (ma Volkswagen a cinq places). Il vous en coûtera quelques heures de travail, mais vous en épargnera tant d’autres. En effet, je peux vous garantir qu’à l’issue de cette virée, vous n’aurez plus à cœur que de rédiger une courageuse mais inébranlable ordonnance de non-lieu.
Notre dernière requête vous sera communiquée ultérieurement. Je peux cependant l’esquisser dès maintenant. Vous n’êtes pas sans savoir qu’un policier de la DCRI a pendant plusieurs années commis un certain nombre de choses plutôt étranges. Cela va de dizaines de mails anonymes adressé à des journalistes pour prétendre que nous serions le groupe AZF à l’usurpation de nos identités, en passant par la tenue de sept blogs anonymes dans lesquels il révèle dos éléments attentatoires à nos vies privées et poste des photos sur lesquelles figure une cible sur l’entrée de notre domicile. Nous savons que ce policier est à l’origine de la surveillance contre nous, depuis au moins 2007. Nous avons en notre possession ses rapports et nous savons qu’il a déclenché l’enquête préliminaire. Nous savons qu’il était présent lors des perquisitions du 11 novembre 2008 et nous savons qu’il a rencontré à de nombreuses reprises feu votre prédécesseur allant jusqu’à lui conseiller des actes d’enquête (l’arrestation de M. T., par exemple).
Vous savez aussi qu’il n’existe pas de délit ou de crime pour « enfumage de journalistes », harcèlement policier ou dénonciation calomnieuse dans les bureaux de la galerie Saint-Eloi. Vous êtes donc le seul magistrat à même d’enquêter sur ces pratiques de la DCRI et la seule personne dont le dossier est directement concerné par ces malversations. Il s’avère de surcroît que la tache est assez aisée, il suffit de perquisitionner les différentes boîtes mail de ce monsieur puis de l’entendre. Nous sommes bien entendu en mesure d’établir les preuves de tout ce que nous avançons. Si vous acceptez d’en tirer les conséquences juridiques et judiciaires adéquates, l’un ou l’une d’entre nous sera ravi de vous remettre ces pièces et de vous en faire un exposé.
J’espère qu’au vu de tant de raisons convergentes vous comprendrez mieux et donc excuserez mon absence. Il n’y a pour nous de sens à répondre à vos questions qu’à la condition que le travail d’enquête à décharge que nous avons mené en même temps que vous trouve sa place dans l’instruction et débouche sur les éclaircissements nécessaires. Vous savez que nous ne pouvons pas attendre un éventuel procès pour que les faits soient adéquatement examinés.
En attendant de vous rencontrer, à ces meilleures conditions,
Julien Coupat »