Mais pourquoi? Pourquoi Gabrielle H., Benjamin R. et Manon G. ont-ils dormi dans leur voiture à Haut-Clocher (Moselle), dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 ? Pourquoi Julien Coupat et Yildune Lévy ont tourné dans la campagne de Seine-et-Marne, la même nuit ? Pourquoi Julien Coupat et Gabrielle H. sont-ils allés chez les parents de cette dernière, durant le week-end du 26 octobre ? Sans relâche, les magistrats reviennent sur ces questions durant les interrogatoires.
« Pourquoi ne pas avoir essayé de trouver un hôtel ? »
Le 16 décembre 2008, Benjamin R.:
Question : Vous avez été contrôlé, sur la commune de Haut-Clocher, dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 à 1h15 en compagnie de Gabrielle H. et Manon G. alors que vous dormiez dans un véhicule appartenant à Tessa P. Comment expliquez-vous votre présence dans ce secteur à cette heure tardive ?
Réponse : Nous étions partis le matin du 7 de Tarnac avec Gabrielle et Manon. Nous devions dormir chez les parents de Gabrielle et ensuite aller à Strasbourg pour visiter et rencontrer des amis. Gabrielle n’avait pas prévenu ses parents, nous avions conduit plusieurs heures et j’ai eu une altercation avec Gabrielle à propos de son sens de l’organisation. Le voyage en lui même avait été assez improvisé et en même temps, j’avais envie de faire une coupure avec le boulot. J’avais travaillé le matin même. Nous avons été jusqu’à Baccarat, Gabrielle a été chez ses parents qui étaient absents, elle est revenue nous le dire, nous avons discuté un moment. On a d’abord décidé qu’on allait poursuivre la route mais on était assez fatigués et énervés. Nous avons pris la direction de Sarrebourg, c’est à dire la route de Strasbourg. On s’est arrêtés deux fois et finalement on n’en pouvait plus et on a décidé de dormir. Vers 1h00 du matin, nous avons été réveillés par des gendarmes parce qu’on était garés dans un chemin adjacent à la départementale.
Question: Pourquoi ne pas avoir essayé de trouver un hôtel ?
Réponse : Ça n’est pas dans mes habitudes, je n’ai pas les moyens financiers. En fait nous souhaitions faire une pause parce que nous étions fatigués sans savoir à l’avance ce que nous allions faire après.
Question: Lorsqu’elle a été entendue à la fin de sa garde à vue, Gabrielle H. a déclaré qu’après avoir stationné dans le village de Baccarat, elle s’est absentée en vous laissant dans le véhicule avec Manon, qu’elle a réfléchi et qu’elle est revenue dans la voiture et qu’elle vous a menti en vous déclarant qu’elle avait été voir ses parents et que cela ne s’était pas bien passé avec eux, qu’en conséquence de quoi vous ne pouviez pas dormir chez eux. Cependant, vous venez de me dire à l’instant que Gabrielle vous avait dit que ses parents étaient absents. Avez-vous une explication ?
Réponse : Il faudrait poser la question à Gabrielle. L’engueulade qu’on a eue dans la voiture avait à voir avec comment tout ça avait été préparé par Gabrielle. Je pense que c’est parce que ses parents n’étaient pas là qu’on a dû repartir.
Question: Vous ne m’avez pas déclaré tout à l’heure que vous pensiez que les parents de Gabrielle étaient absents mais vous m’avez dit que c’est elle même qui vous avait expliqué que ses parents étaient absents ?
Réponse : Effectivement, elle nous a dit que ses parents ne voulaient pas et elle était visiblement gênée par le fait que quelque chose coinçait avec ses parents.
Question : Etes-vous sûr M. R. que ce n’est pas vous qui êtes gêné par ce point de divergence avec Gabrielle au point de faire vôtre la version de cette dernière ?
Réponse : C’était un moment assez éprouvant pour moi, des choses assez sensibles ont eu lieu entre nous qui expliquent pour moi les différentes versions.
Question : Vous auriez déclaré aux gendarmes, lors de ce contrôle, que vous étiez allé voir la famille de Mme H. à Baccarat et que vous étiez en route pour retourner sur Limoges. Expliquez-vous.
Réponse : Cette version que nous avons racontée aux gendarmes paraissait la plus simple. Depuis un certain nombre d’années que je suis contrôlé par la gendarmerie, ils me demandent d’ou je viens, où je vais et qui m’accompagne et mon réflexe citoyen de base est de ne jamais dire ou je vais.
Question: Pour quelle raison vous rendre à Baccarat voir les parents de Gabrielle H., que vous ne connaissez pas, avec Manon G. ?
Réponse : Je connais la mère de Gabrielle que j’ai rencontrée au Goutailloux. Par ailleurs, le fait de s’arrêter chez les parents de Gabrielle, ça n’était qu’une pause sur la route de Strasbourg.
Question : Quand deviez vous être de retour à Tarnac ?
Réponse : A la fin du week-end, c’est à dire le dimanche 9 au soir.
Question : Quelle raison impérieuse vous a fait faire un si long voyage sur si peu de temps ; en d’autres termes, dans une logique rationnelle et même pour visiter des amis ou faire du tourisme, on ne comprend pas très bien cette expédition aller-retour entre Tarnac et Strasbourg pour si peu de temps ?
Réponse : De par mon travail à l’épicerie qui me bloque jusqu’au vendredi matin, je suis condamné à ce genre de choses pour faire du tourisme ou voir des amis. C’est notamment à cause de mes horaires que les autres m’ont attendu. Gabrielle voulait partir avant. D’ailleurs pour preuve, je suis allé en Belgique pour le mariage de ma cousine le 6 septembre, ce qui fait à peu près la même distance que Strasbourg.
Question : J’entends bien vos impératifs d’emploi du temps, ceci dit, Gabrielle H. et Manon G. n’avaient pas les mêmes et on a alors du mal à comprendre pourquoi elles « sacrifient » ainsi leur week-end qu’elles ont passé dans une voiture sur la route pour la plupart du temps, simplement pour vous accompagner faire du tourisme. Avez-vous une explication ?
Réponse : Au départ, Gabrielle et Manon voulaient partir plus tôt, en tous cas pour Gabrielle j’en suis sûr, mais elles m’ont sollicité pour venir, elles considéraient que pour moi c’était une façon de faire un break
Question de Me Terrel : Est-ce que vous pensez que Gabrielle n’a pas osé vous dire, compte tenu de votre énervement sur un emploi du temps qui n’était manifestement pas au point, que ses parents étaient absents ?
Réponse : Oui, je pense effectivement que c’est parce que j’étais énervé que Gabrielle n’a pas osé me dire que ses parents n’étaient pas là. Je me suis énervé parce que ce voyage n’était pas préparé par Gabrielle. Je me suis laissé convaincre d’y aller.
Aucun sabotage n’a été signalé aux alentours de Haut-Clocher.
La vue sur le site du sabotage à Dhuisy, depuis la route de Boyenval. (Antonin Sabot/LeMonde.fr)
« Pour quelle raison avez-vous effectué ce déplacement avec Julien Coupat ? »
Le 8 janvier 2009, Yildune Lévy est interrogée.
Question : Vous avez été aperçue avec Julien Coupat en Seine-et-Marne dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. Quand étiez-vous partie de chez vous et pour quelle raison avez-vous effectué ce déplacement avec Julien Coupat ?
Réponse : Le 7 novembre au matin je suis partie de chez moi pour aller à l’université, à la maison de l’archéologie et de l’ethnologie à Nanterre, où j’ai passé toute la matinée. Ensuite, j’ai retrouvé Julien aux alentours de l’heure du repas à une station de métro mais je ne me souviens plus laquelle. Julien m’a récupérée en voiture à cette station de métro et nous avons cherché un endroit où manger. On a hésité entre plusieurs restaurants et on a finalement opté pour une brasserie si mes souvenirs sont bons.
Question: Cette brasserie était-elle située à Paris ou ailleurs ?
Réponse : J’ai l’impression que c’était en proche banlieue.
Question : Est-ce que Julien connaissait déjà cette brasserie ou l’avez vous trouvée par hasard ?
Réponse : On a beaucoup hésité, on a beaucoup tourné.
Evidemment, le détail a de l’importance pour l’enquête. Dans le fameux PV de filature coté D104, les policiers de la SDAT assurent que leurs collègues de la DCRI suivent la Mercedes de 11 h 10, à Rueil-Malmaison, jusqu’à midi, où ils la perdent de vue à « Châtillon, à l’angle de l’avenue Pierre-Brossolette et de l’avenue Marx-Dormoy ». Puis ils reprennent la filature porte de Châtillon, à 14h50. A aucun moment, ils ne voient Yildune Lévy rejoindre Julien Coupat. L’hypothèse, forcée, des policiers et des juges, c’est donc qu’elle l’a retrouvé aux alentours de Châtillon. C’est qui est un peu absurde: quand Julien Coupat quitte Rueil, Yildune Lévy est à Nanterre, à 10 minutes de là en voiture, mais le couple se serait retrouvé à Châtillon, qui est à 50 minutes de la fac de Nanterre en transports en commun…
« Pourquoi auriez-vous décidé de dormir dans la voiture ? »
L’interrogatoire continue:
Réponse: Après manger, nous avons repris la voiture, ça devait être en début d’après-midi. On voulait partir en week-end en amoureux pour prendre du temps pour être tous les deux. Ça faisait déjà quelque temps que j’avais des impressions bizarres dans mon quartier, quand je faisais les courses par exemple. Je sais que pour Julien, d’après ce qu’il m’en avait dit, il avait le même sentiment que moi mais peut être plus fort encore. De ma part, il y avait un sentiment de peur et d’incompréhension avec l’envie de quitter Paris et de partir ensemble. On a pris la direction de l’est. On ne savait pas exactement où on allait aller. On ne voulait pas aller trop loin de Paris mais suffisamment pour être à la campagne, dans des endroits où on trouverait peut être des hôtels pas trop chers. Je me souviens avoir somnolé par moment parce que j’étais fatiguée de ma semaine d’études. Je sais qu’on s’est arrêté à un moment dans un magasin de type bazar mais je ne peux pas vous dire où s’était exactement, j’en ai profité pour m’acheter un sac à dos parce que le mien était usé. On a continué à rouler dans cette direction et à un moment donné, on en a eu assez d’être sur les grosses routes et on a souhaité prendre des petites routes parce que c’était plus joli et afin de répondre à mon angoisse et à ma peur d’être suivie. Tout ça a duré un certain temps. A un moment, on a eu faim et comme on avait croisé une grosse ville, on a préféré revenir vers cette ville pour trouver quelque chose d’ouvert. On a mangé une pizza, il devait être le début de soirée. A un moment, je ne sais plus si c’était avant ou après le repas, on a fait du ménage dans la voiture. J’ai nettoyé l’habitacle, il y avait pleins de choses dans cette voiture qui prenait beaucoup de place parce qu’on souhaitait chercher un hôtel pas cher et faute d’hôtel, on dormir dans la voiture.
Question : Vous n’étiez pas très loin de Paris, c’est à dire de votre domicile, de celui des parents de Julien Coupat. Pourquoi auriez-vous décidé de dormir dans la voiture ?
Réponse : Pour être tranquilles. A un moment, je me souviens qu’on est rentré dans ce que je pense être un hôtel de routier, ils étaient complets. Il faisait nuit mais je ne me rappelle plus si c’était avant ou après manger. L’hôtelier nous a dit que lui et tous les autres relais routiers qu’il connaissait étaient complets, on a demandé à des gens dans la rue si il y avait des hôtels pas chers mais ils nous ont donné des ordres de prix que personnellement je trouve très chers. Je crois que j’ai été acheter deux trois trucs à l’épicerie en face de la pizzeria comme des fruits et nous avons finalement décidé de dormir dans la voiture.
Question: Le procès-verbal de surveillance détaille le trajet que vous avez effectué où l’on constate de multiples changements de direction et demi-tours parfois à peu de kilomètres de distances les uns des autres sans explication. Pour quelle(s) raison(s)?
Réponse : Ça correspond notamment à la peur d’être suivie. La peur fait faire des choses bizarres qui ne sont pas explicables rationnellement.
Question: Vers 22h35, sur la commune de Trilport, Julien Coupat est aperçu allant jeter plusieurs objets dans une poubelle : (…) Pourquoi aviez-vous ces objets dans le véhicule dans lequel vous circuliez avec Julien Coupat?
Réponse : Je ne sais pas du tout pourquoi ces objets se trouvaient dans la voiture mais je sais qu’il y a pleins d’autres choses qui ont été jetées dans la poubelle.
Question : Quelles autres choses par exemple ?
Réponse : Des bouteilles vides, des vieux journaux, une boîte en carton, des épluchures de fruits.
Question: A 23 heures, vous repartiez en direction de Meaux, puis faisiez demi-tour, venant vous stationner au niveau de la poubelle où Coupat avait jeté des objets mais sur la chaussée opposée. Puis à 23h10, le véhicule redémarre et reprend la route de La Ferté-sous-Jouarre, puis fait demi-tour pour repartir en direction de Meaux, puis fait un autre demi-tour en arrivant à Trilport et s’arrête. Puis à 23h40, le véhicule est arrêté tous feux éteints, de la buée sur les vitres laissant supposer une présence à l’intérieur, puis reprend la route le 8/11/08 à 3h50 en direction de Dhuisy. A 4h00, le véhicule prend une route sur la gauche s’engageant dans une voie ou il avait déjà été aperçu circulant à 21h05 la veille au soir. Vous vous étiez perdus, sinon pourquoi passer deux fois au même endroit ?
Réponse: On cherchait un endroit pour stationner la voiture pour que ça ne soit pas trop dérangeant. C’est à ce moment là que nous avons dormi dans la voiture jusqu’à ce que nous reprenions la route, je ne sais pas quelle heure il était exactement mais je sais que j’étais morte de froid. On avait envie de faire un câlin, on était sur une route où des voitures passaient. On a essayé d’aller dans un endroit où il y avait moins de monde, c’est pour ça qu’on est parti dans la direction où on était l’après-midi sur les petites routes. A un moment donné, on a vu une route qui était goudronnée, on a décidé de s’y engager , on a fait l’amour dans la voiture comme pleins de jeunes et après on a décidé de repartir.
Question : A 4h05 cette nuit-là, le véhicule, dans lequel vous circuliez depuis déjà plusieurs heures sans but précis avec Julien Coupat, se trouvait tous feux éteints à l’entrée d’une voie de service de la RD23 à Dhuisy quelques mètres avant le pont de chemin de fer. Cet épisode rapporté par le procès-verbal des policiers correspond-il à la scène que vous venez de me décrie ?
Réponse : Peut-être, mais on ne savait pas exactement où on était
Question : A 4h20 le véhicule démarre et s’éloigne, fait à nouveau une halte au pied d’un pont de la Marne à Trilport, puis repart en direction de Paris vers 5 heures. Vous avez une explication ?
Réponse : Je ne mes souviens pas de cet arrêt. J’avais peut être envie d’uriner à ce moment là, je ne m’en rappelle plus.
Question: Les policiers mentionnent alors rester sur place pour vérifier les voies dans l’obscurité et constatent qu’au passage du TGV ouvreur, vers 5h10, une gerbe d’étincelles se produit, accompagnée de bruits inhabituels. Il se trouve que cet incident ferroviaire a donc eu lieu à l’endroit même ou vous aviez stationné avec Coupat, après les multiples détours et demi-tours dans la région durant toute la journée et une partie de la nuit. Comment expliquez-vous cette curieuse coïncidence?
Réponse : Je peux tout simplement dire qu’elle est malheureuse parce que c’est à cause d’elle que je suis en prison.
« Pourquoi les laisser dans la voiture où vous n’en avez pas a priori besoin ? »
Mais pourquoi? Pourquoi Gabrielle H. a deux talkies-walkies dans sa voiture? Interrogatoire du 17 février 2009, par le juge Edmond Brunaud:
Question : Quant aux des deux talkies-walkies de marque Stobo modèle « Freecomm » qui se trouvaient dans votre voiture, vous avez indiqué que vous les utilisiez pour surveiller si votre enfant dort ou pas. Maintenez-vous cette explication ?
Réponse : Oui. Je les ai acheté pour cela et d’ailleurs les enfants continuent de jouer avec. Ils étaient dans un sac à doc avec d’autres jouets pour les enfants. Je l’avais d’ailleurs précisé aux policiers parce qu’il y avait un climat de tension et que tout objet devenait à charge.
Question : Pourquoi les laisser dans la voiture où vous n’en avez pas a priori besoin pour ce motif ?
Réponse : Dans le village, j’avais commencé à organiser une activité cirque et j’avais commencé à réunir des jouets. J’avais acheté ces appareils à l’origine pour surveiller ma fille lorsqu’elle dormait, puis c’est devenu un jeu, tout simplement.
« Curieusement, ces dates du 25 octobre et du 7 novembre ne sont pas si anodines qu’elles paraissent »
Mais pourquoi? Pourquoi un sabotage dans la nuit du 25 au 26 octobre, puis quatre autres dans la nuit du 7 au 8 novembre? Quand le juge Thierry Fragnoli n’obtient pas les réponses souhaitées, il les fait tout seul. Interrogatoire de Yildune Lévy, le 8 janvier 2009:
Question : J’imagine que votre ami Coupat et vous-même, de par vos formations et vos goûts, vous vous intéressez à l’Histoire, et notamment à celle des grands mouvements révolutionnaires populaires. Est-ce le cas ?
Réponse : Pour ce qui me concerne, je m’intéresse plus à la Préhistoire.
Question : Curieusement, ces dates du 25 octobre et du 7 novembre ne sont pas si anodines qu’elles paraissent puisque chacun sait que c’est à la date du 25 octobre (dans le calendrier Julien) – soit encore à celle du 7 novembre (dans le calendrier Grégorien) – que ce que l’Histoire a retenu sous le nom de « l’insurrection de Pétrograd » – élément fondateur de la Révolution russe – éclate en 1917 dirigée par Léon Trotsky, et ayant pour objectifs des points stratégiques tels que, notamment, les ponts et gares.
Cette même nuit du 25 au 26 octobre 1917, le Palais d’Hiver était pris par les insurgés, or, précisément il est ait ainsi allusion à cet épisode historique dans L’insurrection qui vient: « À la décentralisation du pouvoir répond, dans cette époque, la fin des centralités révolutionnaires. Il y a bien encore des Palais d’Hiver, mais qui sont plus désignés à l’assaut des touristes qu’à celui des insurgés. » (p. 121)
On pourrait presque en déduire que le choix de ces dates du 25 octobre et du 7 novembre par les auteurs des dégradations des lignes de TGV est à lui seul tout un symbole, voire un hommage, pour ne pas dire un message s’inscrivant dans la même veine que l’opuscule intitulé L’insurrection qui vient et dont quelques extraits choisis de cet ouvrage précisent: « À chaque réseau ses points faibles, ses noeuds qu’il faut défaire pour que la circulation s’arrête, pour que la toile implose. La dernière grande panne électrique européenne l’a montré: il aura suffi d’un incident sur une ligne à haute tension pour plonger une bonne partie du continent dans le noir. Le premier geste pour que quelque chose puisse surgir au milieu de la métropole, pour que s’ouvrent d’autres possibles, c’est d’arrêter son perpetuum mobile (p.47) Pour la méthode, retenons du sabotage le principe suivant : un minimum de risque dans l’action, un minimum de temps, un maximum de dommages. Pour la stratégie, on se souviendra qu’un obstacle renversé mais non submergé — un espace libéré mais non habité — est aisément remplacé par un autre obstacle, plus résistant et moins attaquable. (…) Élargis aux dimensions de l’usine sociale, les principes du sabotage se généralisent de la production à la circulation. L’infrastructure technique de la métropole est vulnérable : ses flux ne sont pas seulement transports de personnes et de marchandises, informations et énergie circulent à travers des réseaux de fils, de fibres et de canalisations, qu’il est possible d’attaquer. Saboter avec quelque conséquence la machine sociale implique aujourd’hui de reconquérir et réinventer les moyens d’interrompre ses réseaux. Comment rendre inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique ? Comment trouver les points faibles des réseaux informatiques, comment brouiller des ondes radios et rendre à la neige le petit écran ? (p. 100-101). Qu’en pensez-vous ?
Réponse : Je ne connaissais pas les dates de cette Révolution avant que vous ne m’en parliez.
« Nous avons décidé d’user de la petite marge de liberté qui nous reste »
Au final, les mis en examen se rebiffent. Interrogatoire de Mathieu B., le 16 mars 2009:
Question : Souhaitez-vous ajouter quelque chose aux déclarations que vous avez faites ce jour?
Réponse : Oui, j’ai une déclaration spontanée à faire. Il y a un article qui reprend le texte d’une déclaration de tous les mis en examen de ce dossier qui doit paraître dans Le Monde de demain qui sortira aujourd’hui. Il indique que nous avons le sentiment que tous les éléments nécessaires à nous disculper ont été réunis. Par ailleurs pour protester contre le maintien en détention de Julien Coupat, nous avons décidé d’user de la petite marge de liberté qui nous reste en refusant de nous exprimer. Il y avait non seulement la détention de Julien Coupat mais aussi l’incrimination de terrorisme.
Le boycott va durer jusqu’en janvier 2014.